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PIERRE VALCELLI

Publié le par Hervé Siffre

        Pierre Valcelli est né à Salernes le 24 janvier 1922.

Dans ce milieu laborieux tout tourné vers l’industrie de la terre cuite dont il est issu, il devient tout naturellement ouvrier céramiste et milite tout aussi évidemment aux Jeunesses communistes. Pendant l’occupation, il est recruté, comme tous les jeunes gens de son âge, pour servir aux Chantiers de jeunesse, une organisation paramilitaire pétainiste destinée, entre autres, à pallier la disparition du service militaire. Affecté à Cavaillon, il y restera, contraint et forcé, pendant les six mois règlementaires, de mars à octobre 1942. Mais à sa libération, alors qu’il travaille désormais comme journalier, il est menacé par les recruteurs du Service du Travail Obligatoire (STO) qui fournit à l’Allemagne une main d’œuvre gratuite destinée à soutenir l’industrie de guerre nazie.

Il préfère prendre le maquis et s’enfuit de Salernes le 23 mars 1943.

Dans le massif des Maures où il arrive, il rejoint le tout nouveau Camp Faïta, du nom d’un résistant Francs-tireurs partisans (FTP) récemment guillotiné dans le Gard. Au cours des mois suivants, son groupe se déplace beaucoup dans le département et se montre offensif. Dans la nuit du 4 au 5 mai, il échappe à son arrestation par les gendarmes qui parlent de lui comme d’un chef de groupe d’une bande opérant dans la région de Roquebrune-sur-Argens. Sous le pseudonyme de René, Pierre Valcelli fait preuve d’un engagement particulièrement actif ; il est de toutes les opérations. On retient, parmi les actions les plus audacieuses, le sabotage de l’aiguillage des tramways de Toulon, la libération de compagnons résistants interpellés par les gendarmes du Luc en septembre et la tentative d’évasion de camarades FTP emprisonnés dans la prison de Draguignan en décembre.

En fin d’année 1943, son détachement FTP s’installe à la ferme des Limates, sur le plateau qui domine le village de Signes au nord de Toulon. Ils sont jeunes ; 25 ans de moyenne d’âge. Il y a des Varois évidemment, mais il y a aussi les autres, qui viennent de Gironde, de la région parisienne, de Savoie et d’ailleurs. Il y a même parmi eux un officier de l’aviation italienne, et un autre Italien jamais identifié.

Hélas, le destin leur réserve un sort funeste. Le dimanche 2 janvier 1944 en début de matinée, la ferme est en effet encerclée par la Wehrmacht. Une compagnie de 75 hommes environ attaque le groupe de résistants qui compte une dizaine de jeunes gens au total. Depuis le village, on perçoit dans le lointain le bruit de la fusillade ; et on comprend aussitôt. Sur place, on se bat avec le peu de moyens dont on dispose. Valcelli trouve le temps de brûler les papiers compromettants. Mais la bataille est trop inégale. Le combat dure environ 45 minutes avant de cesser. Les maquisards doivent finalement renoncer à lutter car probablement à court de munitions. Le silence succède alors au vacarme des armes.

Les Allemands font prisonniers les survivants ainsi que le berger de 67 ans qui les assistait. Ils les rassemblent sans ménagement et les obligent à creuser une fosse ; c’est là qu’ils vont jeter leurs corps mutilés. Deux rescapés ont néanmoins réussi à échapper au piège dont l’un témoignera de ce qu’il a vu.

Les cadavres sont exhumés quelques jours plus tard. Sur celui de Valcelli on relève 37 impacts de balles et d’arme blanche ; l’un de ses bras est cassé. Les corps ont la tête criblée de balles et le berger a été touché au bas-ventre.

Une sépulture collective rassemble aujourd’hui dans le cimetière de Signes les dépouilles de quelques-uns de ces malheureux jeunes gens. Réclamée par sa famille, celle de Pierre Valcelli est quant à elle ramenée dans son village natal.

Le 7 janvier 1944, à l’occasion de ses obsèques, Salernes veut afficher sa solidarité et son indignation. On s’accorde pour faire du village une ville morte. Les commerces sont fermés et des draps noirs étendus aux fenêtres en signe de deuil. La foule qui lui rend hommage est innombrable ; on parle de 2 000 à 2 500 personnes ; le cours Théodore-Bouge sur lequel donne la maison des Valcelli est, dit-on, trop petit pour contenir tout le monde. Deux jours plus tard, un agent de la Gestapo de Draguignan rédige son rapport : Lors de l’affaire de Cygne (sic), il y a eu un réfractaire de Salernes, un Italien nommé Valcelli, qui a été tué. A cette occasion la population de Salernes lui a fait des obsèques nationales (sic) : les cafés ont été fermés ainsi que les cinémas, et des tentures de deuil ont été tendues dans la ville entière à l’exception des amis des Allemands. Ces partisans sont depuis cette affaire en butte aux visées des gaullistes et des communistes. En outre la population de Salernes est en majeure partie hostile à un rapprochement franco-allemand. Ils sont tous plus ou moins communistes et gaullistes.

Les Salernois firent en tout cas, en ces malheureuses circonstances, une belle démonstration d’unité et d’hostilité à l’occupant.

Au moment de sa mort Pierre Valcelli allait avoir 22 ans. Il fut décoré à titre posthume de la médaille militaire et de la croix de guerre avec palme le 13 novembre 1947. Le texte de la citation est le suivant : Jeune franc-tireur partisan plein d’allant et remarquable entraîneur d’hommes. Le 2 janvier 1944, cerné de toutes parts, donna l’ordre de lutter jusqu’au bout et tomba glorieusement à la tête de son groupe au cours de cet engagement. A bien mérité de la Patrie.

(Sources AD83, J-M Guillon, Le Maitron, ANACR, SHD)

Hervé Siffre

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