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LA CHAPELLE SAINT-LOUP

Publié le par Hervé Siffre

LA CHAPELLE SAINT-LOUP

Un texte de 1737 prétend que la chapelle Saint-Loup aurait pu être l’église paroissiale primitive dont elle aurait alors porté le vocable, confondant ainsi, me semble-t-il, Saint-Loup et Saint-Pierre toute proche(1). Ne revenons pas sur cette affirmation au demeurant invérifiable et ne cherchons pas davantage à retrouver l’origine historique de Saint-Loup, ce qui demanderait un travail de recherche et de traduction trop important. Je me contenterai donc de rappeler son histoire récente d’une part, et d’autre part de décrire cet édifice dans son état actuel.

Dans son « Dictionnaire historique et topographique de la Provence ancienne et moderne » publié en 1835, Etienne Garcin (encore lui) évoque la chapelle Saint-Loup dans les termes suivants : Une villa romaine a dû être au quartier Saint-Loup. On peut en juger par le nombre d’ossements et quelques fragments de tombeaux de briques qu’on y trouve, et par le fond de la chapelle de Saint-Loup, dont la forme et la construction annoncent le reste d’un petit temple du paganisme.

Une chapelle bâtie sur un ancien temple païen… Des générations d’historiens ont adopté ce modèle théorique qui a constitué une grille de lecture préétablie […] Les exemples de continuité entre temples et églises restent rares et ils font souvent suite à une période d’abandon : ce sont des bâtiments abandonnés plus que des temples qui sont transformés. Ce mouvement s’inscrit en fait dans un processus plus vaste de réaffectation d’un patrimoine bâti antique sans fonction(2).

Ce postulat selon lequel Saint-Loup fut érigée sur les restes d’un temple païen mériterait en tout cas d’être confirmé par l’archéologie.

Le texte de 1737 déjà cité signale également que la chapelle était extrêmement dégradée entre le XVII et le XVIIIème siècle (en tout cas avant 1737). Elle fut sauvée de la ruine grâce au dévouement de trois paroissiens généreux : Balthazar Cole, Gaspard Agnelly et un nommé Miollis.

Selon le texte précédent, on y allait en procession dire la messe le jour de saint Pierre et saint Paul 29 juin, le jour de saint Loup dernier d’août, et le jour de saint Marc, et la troisième série des rogations. A cette époque elle était dotée d’un retable figurant saint Pierre, saint Paul et saint Loup. En 1807, parce que le curé Allaman jugeait le précédent indécent, un nouveau tableau réalisé à Barjols fut installé qui représentait saint Pierre tenant les clés, saint Marc avec le livre des évangiles et le lion à ses pieds, et saint Loup au milieu en chape, mitré et crosse à la main. Ce tableau a aujourd’hui disparu.

On sait également qu’en 1699, un ermitage était en cours de construction par le frère Antoine Cartier auquel le Conseil communautaire vota le 30 août une subvention pour l’aider dans ses travaux.

En 1789, à l’instar de l’église paroissiale, Saint-Loup échappa à la confiscation contrairement aux autres chapelles de la commune qui furent déclarées biens nationaux. C’est peut-être précisément son statut supposé d’ancienne église paroissiale qui la sauva ainsi de l’encan et peut-être même de la destruction ; elle resta donc dans le domaine public. Néanmoins la construction mitoyenne fut saisie et cédée à François Basset dit Cadet avec les terres alentour. Cette dépendance était composée de quatre pièces : au rez-de-chaussée le séjour du cultivateur et une écurie, et à l’étage une chambre et un grenier à foin.

En 1842 de lourdes réparations furent à nouveau réalisées sur l’édifice. Deux maçons durent refaire une partie de la voûte ainsi que la couverture.

En 1909, le bâtiment était tellement dégradé que la municipalité renonça à le restaurer et envisagea de le vendre à Marius Jassaud propriétaire de la maison mitoyenne. Mais les choses traînèrent en longueur et l’on fut obligé d’abattre la voûte et la toiture devenues trop dangereuses. Sur la base d’une délibération du 6 novembre 1911 le maire Esbérard demanda finalement la désaffection de cette chapelle qui n’est plus qu’une bâtisse en ruines. Il ne restait en effet que quatre murs en partie lézardés. Les élus obtinrent satisfaction l’été suivant : par décret du Président de la République Armand Fallières du 27 juin 1912 la chapelle Saint-Loup cessait d’être affectée au culte. En août de la même année, le Conseil municipal la cédait enfin à Marius Jassaud.

En tout état de cause, il semble bien que le dernier service assuré dans les lieux datait du 25 mars 1897.

Saint-Loup in situ

Saint-Loup in situ

Ce n’est pas une surprise, selon l’usage Saint-Loup est orientée plein est. Une construction tardive a été édifiée contre le mur sud, peut-être au XVIIIème siècle. Mais on ne peut s’empêcher de penser aussi qu’il pourrait s’agir de l’ermitage mentionné en cours de construction en 1699.

L’édifice lui-même mesure environ 14 mètres de long et 7,5 de large. Les deux murs gouttereaux sont renforcés par des contreforts probablement édifiés à l’occasion de l’une des campagnes de restauration ; trois d’entre eux sont encore visibles sur le mur nord. Il ne m’a pas été donné de vérifier l’existence de contreforts sur le mur sud.

Le chevet est enrichi d’une belle ornementation qui le ceinture à environ 2,5 mètres des génoises les plus hautes. Il s’agit d’une frise d’arcatures aveugles surmontée d’un bandeau en dents de scie, le tout surplombé par une corniche simple aux rebords arrondis. On note que les arcs ne sont pas bâtis en petit appareil mais que chacun est taillé dans la masse d’une pierre unique et qu’ils reposent sur des corbeaux de petites dimensions. Ce motif n’est pas sans rappeler les chevets de la Madone-del-Poggio à Saorge (06) ou de la chapelle N-D des Monts à Breil-sur-Roya (06). Toutefois le positionnement de cette frise, située aux 2/3 du chevet, intrigue tant il est insolite. Les autres exemples comparables sont en effet tous observés directement sous le rang de génoises comme pour les deux édifices que je viens d’évoquer.

Les rares descriptions qui nous sont parvenues - deux documents de 1835 et de 1842 - signalent qu’une voûte en berceau d’une part et en arête d’autre part (peut-être l’abside) couvraient le bâtiment, l’ensemble étant protégé par une toiture.

Désormais, et depuis plus d’un siècle, le bâtiment est utilisé comme remise agricole. Un plancher a été installé pour aménager un grenier. A l’exception de l’élégant chevet, il ne reste plus rien de notable de la chapelle Saint-Loup qu’ont érigée nos ancêtres salernois il y a presque un millénaire.

Hervé Siffre

(1) Registre de la confrérie du Saint-Rosaire, 1643 – MS6, Société des Amis du Vieux Toulon.  

(2) Thomas Creissen. La christianisation des lieux de culte païens. Gallia - Archéologie de la France antique, CNRS Éditions, 2014

 

LA CHAPELLE SAINT-LOUP
LA CHAPELLE SAINT-LOUP

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