LE REGLEMENT DU CANAL DE SAINT-BARTHELEMY

Le registre du canal de Saint-Barthélémy commence ainsi : Les sieurs Honoré Lambert prêtre, Antoine Ardoin maître en chirurgie, Honoré Lambert, Elzéar Léocard et adhérents propriétaires des biens arrosables des eaux de la source de saint Barthélémy terroir de Salernes, désirant couper racine aux contestations journalières et aux abus qui se commettaient dans la prise des dites eaux présentèrent requête à monsieur le juge du lieu de Salernes. Nous sommes en 1784.

Il était temps semble-t-il de mettre un peu d’ordre dans la répartition des eaux d’irrigation. Il fut donc convenu de désigner deux experts indépendants - Joseph Bernard notaire royal à Trans et Bernard Jehan procureur à Draguignan - qui, exerçant sous serment, furent chargés de rédiger un règlement de division des eaux de saint Barthélémy pour toutes les branches d’arrosage. Et pour bien donner un caractère règlementaire à leur exercice, le nouveau règlement d’arrosage fut enregistré au greffe civil du parlement d’Aix en 1786.

C’est à un véritable travail de dentelière que se livrèrent les experts. Car sur la base d’une transaction passée le 21 avril 1521 entre le seigneur et la communauté, cette dernière disposait d’une période d’arrosage de 41 heures (soit 2460 minutes) courant du samedi à midi jusqu’à l’aurore du lundi. Passé ce délai, l’eau devait être rendue au valat ou béal, c'est-à-dire le canal, des moulins, dès le lundi au lever du jour, fixé à 5 heures. Pendant cette durée il fallait allouer une quantité d’eau proportionnelle à la surface de chaque propriété pour une superficie totale de 106.935 cannes (soit 42 hectares). La répartition des droits d’arrosage fut donc extrêmement minutieuse, à tel point qu’elle fut calculée à la demi-minute près. Quelques exemples au hasard des pages :

A Honoré Basset, pour une contenance de 717 cannes au quartier des Vaux, l’eau sera attribuée pendant trois quarts d’heure et douze minutes, commençant à midi trois quarts et dix minutes du samedi et finissant à une heure trois quarts et sept minutes (f°115)

A Antoine Fabre, pour 310 cannes, l’eau sera attribuée pendant un quart d’heure et neuf minutes et demie commençant à cinq heures un quart et neuf minutes et finissant à cinq heures trois quarts trois minutes et demie. (f°119)

Au cordonnier Jean Joseph Fabre, pour 180 cannes, l’eau sera attribuée pendant onze minutes commençant à huit heures trois quarts et neuf minutes et demie et finissant à neuf heures et cinq minutes et demie. (f°221)

Et ainsi de suite pour la totalité des 224 arrosants riverains du canal et des dérivations.

Ce sont les préposés aux martelières - les aiguiers - qu’on chargeait d’appliquer ce plan de distribution. Cela suppose que pour respecter un schéma aussi contraint ces aiguiers disposaient d’instruments de mesure du temps.

Ce registre, qui appartient à l’un de nos amis salernois, ne dit pas si le nouveau règlement d’arrosage fit cesser les querelles. Il est permis d’en douter, quand on sait à quelles extrémités peuvent se porter, de nos jours encore, les bénéficiaires des eaux d’irrigation.

Hervé Siffre

Extrait de la sentence arbitrale du 21 avril 1521 qui consacre le partage de l'eau

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